LE RÔLE DE l’ASSEMBLEE NATIONALE EN MATIERE EUROPEENNE

Le rôle de l’Assemblée nationale française en matière européenne s’exerce principalement à travers la mise en œuvre de l’article 88-4 de la Constitution. Celui-ci, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit que le Gouvernement soumet au Parlement tout projet ou proposition d’acte de l’Union européenne. Il dispose en outre que les assemblées peuvent voter sur ces textes, ainsi que sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne, des résolutions européennes qui, si elles ne sont pas juridiquement contraignantes, n’en revêtent pas moins une portée politique.

La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale joue un rôle central dans la mise en œuvre de cette procédure.

Par ailleurs, le traité de Lisbonne confie aux parlements nationaux la mission de veiller au respect du principe de subsidiarité. À cette fin, l’article 88-6 de la Constitution prévoit que l’Assemblée nationale peut émettre des avis motivés sur la conformité des projets d’actes législatifs européens au principe de subsidiarité.

En aval du processus décisionnel européen, l’Assemblée nationale peut former des recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est de droit à la demande de 60 députés ou 60 sénateurs.

Enfin, le Parlement français met en œuvre la transposition des directives européennes qui nécessitent l’adoption de mesures législatives nationales.

Toutes ces dispositions ont permis une appropriation progressive des questions européennes par les députés français.

La procédure de l’article 88-4 de la Constitution

La révision constitutionnelle de 2008 a étendu le champ des textes obligatoirement soumis aux assemblées par le Gouvernement à l’ensemble des projets et propositions d’actes des Communautés et de l’Union européenne transmis au Conseil de l’Union européenne. Le secrétariat général des Affaires européennes (SGAE) chargé, sous l’autorité du Premier ministre, de la coordination interministérielle des affaires européennes, veille à la bonne application de cette procédure et fournit aux assemblées des éléments destinés à éclairer l’examen des textes.

Le rôle pivot de la commission des affaires européennes

Sa composition et son fonctionnement

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a donné un statut constitutionnel, en créant dans chaque assemblée une commission chargée des affaires européennes (article 88-4 de la Constitution).   

Sa composition

- ses effectifs sont resserrés. Alors que les commissions permanentes sont composées de 73 membres, le Règlement fixe à 48 le nombre des membres de la commission des affaires européennes ;

- ses membres appartiennent en même temps à une autre commission. C’est ce que l’on appelle le principe de double appartenance, dont l’objet est de diffuser la conscience des enjeux européens dans l’ensemble des travaux parlementaires. Dans cet esprit, le Règlement prévoit que ses membres sont désignés de manière à assurer non seulement, comme pour toute commission, une représentation proportionnelle des groupes politiques mais aussi une représentation équilibrée des commissions permanentes ;

- les commissaires sont désignés pour la durée de la législature. Cette originalité est liée au rythme propre d’adoption des actes européens, plus lent que celui des lois nationales ;

- la commission peut inviter les membres français du Parlement européen à participer à ses travaux, avec voix consultative ;

- pour le reste, la composition du bureau (un président, quatre vice présidents et quatre secrétaires), les convocations, les votes et les auditions des membres du Gouvernement sont organisés dans les mêmes conditions que celles applicables aux commissions permanentes. Dans cette logique, le président de la commission participe à la Conférence des présidents. 
 
Son fonctionnement

En période de session, la commission des affaires européennes se réunit une ou deux fois par semaine, généralement le mardi ou le mercredi après-midi (le mercredi matin étant consacré aux réunions des commissions permanentes). L’objet de ces réunions est variable :  il peut concerner l’audition d’un ministre avant la réunion du Conseil de l’Union relevant de leur compétence), d’un commissaire européen , d’une autre personnalité... Il peut également porter sur l’examen de rapports d’information, de textes européens, de propositions de résolution européenne, de propositions d’avis sur la subsidiarité, etc.

Ces réunions sont ouvertes aux députés européens français et peuvent l’être à d’autres députés européens. Elles sont généralement ouvertes à la presse et retransmises sur le site internet de l’Assemblée nationale. La commission se réunit parfois conjointement avec une ou plusieurs commissions permanentes , avec la commission des affaires européennes du Sénat.  En outre, les commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat ont mis en place, depuis 2010, des réunions régulières avec les membres français du Parlement européen afin de débattre des grands textes à l’ordre du jour de l’Union .

Son rôle d’instruction et de contrôle

La commission des affaires européennes procède à l’examen de l’ensemble des projets et propositions d’actes européens que le Gouvernement soumet au Parlement en application de l’article 88-4 de la Constitution . Elle se trouve ainsi saisie chaque année d’environ 1 000 textes européens.

Les textes qui sont jugés d’une importance mineure ou ne soulevant aucune difficulté particulière font l’objet d’une approbation tacite.

Les autres textes font l’objet soit d’un rapport d’information, soit d’une présentation orale (une « communication ») effectués par le président de la commission ou un rapporteur spécialement désigné.

Sur les textes qu’elle examine formellement, la commission des affaires européennes peut décider :

- d’approuver la proposition ou le projet d’acte européen ;

- de surseoir à statuer lorsqu’elle estime que des informations lui manquent pour apprécier la portée du texte, et éventuellement désigner un rapporteur d’information chargé d’approfondir l’examen du document ;

- de s’opposer à l’adoption de la proposition ou du projet d’acte communautaire.

Sa décision peut être assortie :

- de l’adoption de conclusions (texte de nature politique exprimant le point de vue de la commission) ;

- de l’adoption d’une proposition de résolution qui, destinée à exprimer une position de l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution, est transmise pour examen à l’une des huit commissions permanentes compétente au fond.

Le recours à l’article 88-4 de la Constitution représente la contribution du Parlement à l’élaboration de la position française lors des négociations au sein du Conseil. Il peut aussi être le moyen pour l’Assemblée nationale d’engager un dialogue direct avec les institutions de l’Union européenne.

Les résolutions parlementaires de l’article 88-4 n’ont pas de valeur juridique contraignante mais elles ont une portée politique. La France ne connaît pas la pratique du « mandat de négociation » en vigueur dans les pays scandinaves où le Gouvernement est lié par la position du Parlement.

L’Europe à l’Assemblée nationale

Au cours des dernières années, plusieurs initiatives ont été prises pour ouvrir davantage l’Assemblée nationale sur l’Europe. Cette association des députés français aux grands enjeux européens s’est accélérée avec la demande d’une plus grande démocratisation des processus européens.

Un débat en séance publique est systématiquement organisé avant chaque réunion du Conseil européen (sous forme de questions au Gouvernement sur des thèmes européens).

La commission des affaires européennes peut apporter un éclairage européen à l’occasion de l’examen des projets et propositions de loi nationale portant sur un domaine couvert par l’activité de l’Union en formulant des observations, d’une part, devant la commission permanente saisie au fond du projet ou de la proposition et, d’autre part, en séance publique lorsque la Conférence des présidents l’y invite.

Des groupes de travail communs à la commission des affaires européennes et aux commissions permanentes ont été créés pour mieux associer celles-ci à l’examen des textes en négociation (sur l’avenir de la politique agricole comme sur la politique de la pêche, sur la politique européenne de l’énergie…).

L’Assemblée nationale dispose, depuis 2003, à Bruxelles d’un bureau de représentation permanente auprès de l’Union européenne, dont l’objet principal est de renforcer l’information des parlementaires sur l’activité des institutions de l’Union, de les sensibiliser à l’Europe, notamment en organisant des visites de travail à Bruxelles et à Strasbourg, et de favoriser la coopération interparlementaire. Ce bureau est à la disposition des différents organes de l’Assemblée nationale et de l’ensemble des députés.

La plus grande implication des parlements nationaux dans les affaires européennes s’accompagne d’un renforcement de la coopération entre les institutions parlementaires nationales et européennes. Les parlementaires multiplient ainsi les missions à Bruxelles et dans les capitales de l’Union pour débattre de sujets divers avec leurs homologues parlementaires.

La commission des affaires européennes s’attache ainsi à nouer des liens très étroits avec le Parlement européen. Elle entretient des relations régulières avec les commissions du Parlement et leurs rapporteurs. Dans un même esprit, une réunion conjointe est systématiquement organisée, au cours de leur semaine dite de « circonscription », avec les députés français au Parlement européen, conjointement avec la commission des affaires européennes du Sénat.

L’Assemblée nationale travaille aussi avec les autres parlements nationaux, en particulier avec le Bundestag et les assemblées du Triangle de Weimar (France, Allemagne, Pologne).

La commission des affaires européennes a pris l’initiative d’organiser des réunions interparlementaires thématiques, ce qui a été une innovation  au niveau de l’Union.

La commission des affaires européennes a aussi approfondi le travail en commun avec la Commission européenne : à travers la procédure dite du « dialogue politique » (transmission de ses prises de position à la Commission, et réponses de la Commission) ; en participant le plus souvent possible aux consultations publiques ouvertes par la Commission, en amont du processus législatif du Parlement européen ; en prenant position sur le programme de travail annuel de la Commission, comme sur les approches stratégiques et en multipliant les auditions de commissaires.

La création d’une plate-forme électronique européenne d’échange d’informations entre les parlements nationaux (IPEX) a permis de renforcer l’efficacité du contrôle parlementaire, s’agissant notamment du respect du principe de subsidiarité.

Cette coopération s’exerce également dans le cadre de la COSAC (Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’union des parlements de l’Union européenne), qui réunit chaque semestre, dans le pays exerçant la présidence de l’Union européenne, six représentants des commissions des affaires européennes de chaque parlement de l’Union et six représentants du Parlement européen et permet d’interroger la présidence en exercice de l’Union et d’adopter des contributions politiques sur les sujets européens.

Les réunions interparlementaires de la « Conférence budgétaire » prévues par l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire permettent une implication collective des parlements nationaux aux principales étapes du semestre européen. La commission des finances est appelée à participer régulièrement à ces rencontres, ainsi que la commission des affaires européennes et les autres commissions concernées.

Enfin, la conférence des Présidents des Parlements de l’Union européenne qui se réunit une fois par an, débat et adopte des conclusions sur les grands sujets de l’actualité européenne.

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