TOWARDS A POSSIBLE RAPPROCHEMENT WITH RUSSIA

Source: Discours d'Emmanuel Macron/Conference des Ambassadeeurs Août 2019

  1. Depuis cinq ans, la Russie a pris une place inédite dans tous les grands conflits. Elle a pris une place inédite, parce que les États-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne et la France ont été faibles. La Russie a maximalisé, dans le contexte actuel, tous ses intérêts. Elle est revenue en Syrie, elle est revenue en Libye, elle est revenue en Afrique. Elle est dans tous les sujets de crise par nos faiblesses ou nos erreurs.
  2. Cette situation n’est pas durable. Cette grande puissance, qui investit beaucoup sur son armement, qui nous fait si peur, a le produit intérieur brut de l’Espagne, une démographie déclinante, un pays vieillissant et une tension politique croissante.
  3. Pousser la Russie loin de l'Europe serait une profonde erreur. La vocation de la Russie n'est pas d'être un allié minoritaire de la Chine. Si on continue à faire comme avant, que l'on soit une entreprise, un diplomate, un ministre, un président de la République, un militaire, alors nous perdrons définitivement le contrôle et alors ce sera l'effacement.
  4. Nous devons aussi savoir par ce dialogue exigeant et les conditions que nous poserons, offrir à un moment donné une option stratégique à ce pays, qui va immanquablement se la poser. C’est à nous de le préparer et de savoir avancer sur ce point.
  5. Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas faire quelque chose d'utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile, nous continuerons d'avoir des conflits gelés partout en Europe, nous continuerons à avoir une Europe qui est le théâtre d'une lutte stratégique entre les Etats-Unis et la Russie et avoir des conséquences de la guerre froide sur notre sol.
  6. Nous poussons la Russie soit à l'isolement qui accroît les tensions, soit à s'allier avec d'autres grandes puissances comme la Chine, ce qui ne serait pas du tout notre intérêt. Il nous faut repenser cette grammaire très profondément. Il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe. Le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie.
  7. Il faut stratégiquement explorer les voies d’un rapprochement avec la Russie et y poser nos conditions profondes afin de sortir des conflits gelés sur le continent européen. Nous sommes dans une Europe ou nous avons laissé le sujet des armements à la main de traités qui étaient préalables à la fin de la guerre froide, entre les Etats-Unis et la Russie . La fin du traité FNI nous oblige à avoir ce dialogue, parce que les missiles reviendraient sur notre territoire
  8. L’un des dialogues décisifs sera la capacité de la France à avancer sur le conflit russo-ukrainien et donc la mise en œuvre des accords de Minsk.  

Note (Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du centre Russie / NEI de l'Institut français des relations internationales (IFRI). 

Les deux chefs d'État ont des visions du monde qui diffèrent vraiment. Leurs interprétations sont aussi très divergentes sur la question de multilatéralisme. Vladimir Poutine a toujours dénoncé le monde unipolaire sous la domination américaine pour plaider en faveur du monde multipolaire. Pour lui, le monde multipolaire est celui où il existe des puissances souveraines, c'est-à-dire complètement autonomes pour défendre leurs intérêts sans subir des ingérences extérieures, en employant même des moyens militaires si besoin. Selon le président russe, il n'y a aujourd'hui que trois puissances globales stratégiquement indépendantes capables de défendre leur souveraineté : la Chine, les États-Unis et la Russie. Pour Emmanuel Macron, quant à lui, le multilatéralisme est une gestion commune des problèmes communs   

Il faut  préciser que, depuis son élection, Emmanuel Macron inscrit sa politique dans le cadre de l'Union européenne, avec le but que l'Europe soit forte et unie et que la solidarité européenne ne soit pas mise en danger. Voilà pourquoi les choses ne changeront pas toutes seules au niveau bilatéral entre Paris et Moscou. Mais Paris peut jouer le rôle de leader, de promoteur de nouvelles initiatives à l'égard de la Russie pour faire naître des ouvertures et alimenter le dialogue. 

Des avancées restent possibles sur le dossier ukrainien, notamment sur la question de l'échange de prisonniers et sur la situation humanitaire dans la région du Donbass. En revanche, la Russie et l'Ukraine interprètent différemment la question du statut d'autonomie pour le Donbass. La Russie ne cédera pas sur cette question-là, et ce d'autant plus que des passeports russes sont distribués aux habitants dans les régions séparatistes depuis quelques mois.

Next Step

Emmanuel Macron a annoncé lundi 26 août qu'un sommet réunissant les dirigeants ukrainien, russe, allemand et français se tiendrait en septembre 2019 pour avancer vers la paix en Ukraine.

Mettre fin au conflit du Donbass est un point important dans la perspective d’une entente entre la Russie et les Etats européens.  Débloquer les relations entre la Russie et les Européens, ne peut passer que par des positions constructives de la Russie sur l’Ukraine. Rien ne se fera entre Européens  et Russes tant que l’Ukraine se trouvera dans la situation actuelle.

 

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