DE LA DEMOCRATIE FRANCAISE
Auteur : Maxime Tandonnet essayiste et historien
Le choix du nouveau premier ministre, aussi éphémère soit-il, par la force des choses, ne sera pas conforme à la volonté exprimée par plus de 80% des Français.
L'enchaînement des événements qui est à l'œuvre depuis le début de l'été signe un authentique effondrement de la démocratie française. Nous n'en sommes plus au stade d'une simple crise politique mais d'une crise de régime dont il convient de prendre toute la mesure : les fondements de la Ve République, et au-delà les fondements de la République et de la démocratie française, sont en cours d'effondrement. Et ce tableau n'a rien d'excessif ni d'exagéré. Ce à quoi nous assistons est une authentique faillite de la politique française.
Le profond malaise démocratique est né d'une dissolution perçue dans la France profonde comme un coup de colère envers le peuple pour avoir «mal voté» aux Européennes. Puis, la démission provoquée du premier ministre, Gabriel Attal, présenté six mois auparavant comme un sauveur providentiel, un petit frère brillantissime et successeur potentiel, relativement moins impopulaire que les autres dirigeants, n'a pas été comprise par les Français.
Ensuite, depuis le 16 juillet au 4 septembre, la France est demeurée sans gouvernement, l'impression d'indécision se mêlant à celle d'impulsivité. Un mois et demi sans premier ministre ni ministres (sauf démissionnaires), le fait est sans précédent sous la Ve République.
Aujourd'hui, le blocage est total. L'image de l'institution présidentielle est sans doute durablement ternie. Il est probable que les Français ne supporteront jamais plus l'idée d'un chef de l’Etat jupitérien quel qu'il soit. Le prestige d'un président tout-puissant maître de la foudre semble définitivement aboli. De même, le principe de la majorité présidentielle, autre pilier du régime, dans le contexte d'un système des partis politiques en miettes, appartient lui aussi au passé. Le résultat des dernières législatives n'a peut-être rien d'accidentel : la gauche même unifiée, avec 28% des suffrages, n'est pas en mesure d'atteindre une majorité. D'ailleurs, qu'a-t-elle en commun sinon la haine pavlovienne de «l'extrême droite». Quant au Rassemblement national, donné, comme toujours, grandissime vainqueur des sondages, il n'atteint même pas la moitié du nombre de députés nécessaire pour former une majorité. Les partis politiques atomisés ou extrémisés, radicalisés, déchirés par des haines névrotiques, sont fondamentalement incapables de se concerter. Aucune perspective de majorité n'est aujourd'hui envisageable, ni aujourd'hui, ni sans doute demain, à l'image d'une opinion déboussolée.
Le scénario final semble enfoncer un dernier clou dans le cercueil de la démocratie française. Après mille pistes explorées, consultations et autres ballons d'essai, le choix souverain du président se portait, aux dernières nouvelles, entre Xavier Betrand, ancien ministre LR de droite de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, et Bernard Cazeneuve, ancien ministre et premier ministre socialiste de François Hollande. En somme, le chef de l'État détient le pouvoir de faire basculer le gouvernement de la France à gauche ou à droite. Le qualificatif de président Jupiter a-t-il jamais été aussi mérité ? Le problème, c'est que le peuple français, lui, n'aura pas son mot à dire dans ce choix. Mais pire, ce peuple ne s'est prononcé ni pour l'une de ces solutions (socialiste hors NFP), ni pour l'autre (droite LR). Il a voté à plus de 60% pour la gauche NFP et pour le RN, ainsi que, à 22% pour la macronie (Ensemble)… La démocratie française – comme la vie politique de ce pays – est à repenser et reconstruire de A à Z.
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